Le Parisien, 2 mai

Sénart - Lieusaint Un mois de répit pour les Roms expulsables

    « MERCI monsieur le juge, merci beaucoup. » C'est ainsi qu'une trentaine de Roms du bidonville de Lieusaint ont quitté la salle d'audience du tribunal civil de Melun, mercredi matin. Convoqués dans le cadre d'une demande d'expulsion formulée par l'Établissement public d'aménagement (EPA), de Sénart, ils viennent d'apprendre que le tribunal ne se prononcera que le 28 mai. Un petit mois de répit supplémentaire, donc, les précédentes audiences ayant déjà été repoussées deux fois. Mieux encore, le président du tribunal a évoqué l'hypothèse d'autoriser les Roms à rester sur le terrain jusqu'à la fin de l'année scolaire, si l'expulsion était prononcée. Il a également soulevé l'idée d'un placement des Roms dans des appartements sociaux. Réaction spontanée de l'un d'eux en pleine salle d'audience : « Je suis d'accord. Je ne suis pas un voyageur mais un sédentaire. » Propriétaire du terrain où 119 Roms se sont installés illégalement depuis des années, l'EPA souhaite, en effet, entreprendre des travaux pour installer vingt-deux autres familles de Roms. Des familles choisies parmi une trentaine, entre 2000 et 2002, par l'EPA et le SAN, actuellement installées sur le parking d'une ancienne grande surface. Cette sélection avait alors donnée lieu à la signature d'une convention entre le syndicat d'agglomération nouvelle (SAN), de Sénart, la préfecture et les villes de Lieusaint et Combs-la-Ville. Les avocats des Roms menacés d'expulsion ont notamment pointé du doigt cette sélection, synonyme, selon eux, d'un non-respect du « principe constitutionnel d'égalité ». « Les choix effectués par l'EPA et le SAN sont totalement discriminatoires, donc illégaux, tempête Me Nicole Prévost-Bobillot. On ne sait pas quels ont été les critères de sélection, alors même que le SAN reconnaît avoir fait un tri parmi les familles. Pourquoi certaines et pas d'autres ? » L'avocat de l'EPA monte au créneau. « Le SAN a le droit de faire un choix, assure-t-il. Il a passé quelques conventions avec des familles, avant que celles qui sont visées aujourd'hui n'arrivent sur le terrain. Elles ne sont donc pas bénéficiaires. » Les avocats des Roms ont également souligné l'absence du « caractère d'urgence » de l'expulsion, pourtant formulé par l'EPA. Ce dernier a malgré tout retiré sa demande d'expulsion pour une douzaine de Roms. « L'urgence n'est pas justifiée, martèle Me Isabelle Trouillot. Or, les caravanes des Roms peuvent être déplacées dans un coin du terrain le temps d'effectuer les travaux de l'autre côté. » Reste que l'EPA a, malgré tout, retiré sa demande d'expulsion pour une douzaine de Roms. Les avocats de ces derniers, eux, ont un mois pour trouver un nouveau terrain d'accueil.

    MELUN, MERCREDI, 11 H 30. La trentaine de Roms du bidonville de Lieusaint, convoquée au tribunal de Melun, en vue de leur expulsion, est repartie quelque peu soulagée. Le président ne rendra sa décision que le 28 mai.

    LE TÉMOIN DU JOUR « Une bonne chose »
    «J'AI DEUX ENFANTS. L'un âgé de 4 ans, l'autre de 5 ans. Ce délai supplémentaire est une bonne chose car ils leur permet de rester plus longtemps à l'école de Combs. » Comme la plupart des Roms, du bidonville de Lieusaint, avec qui elle est venue au tribunal, mercredi , Zlavinka Cirpaci, 22 ans, est un peu soulagée. Arrivée il y a huit ans, elle est aujourd'hui menacée d'expulsion. Malgré tout, elle ne perd pas espoir. « Je ne veux pas retourner en Roumanie, avoue-t-elle . Là-bas, on n'aime pas les Tsiganes. Et puis, il faut payer l'école très cher. Comme je n'ai pas de revenus, mes enfants ne pourraient plus y aller. Je veux qu'ils apprennent à lire et à écrire. Ici tout n'est pas rose, on vient de me retirer mes papiers qui m'autorisent à travailler, mais nous vivons correctement. Il n'y a que cette menace d'expulsion qui nous fait peur. »
 
 

Olivier Stevenoot